Au tribunal, les Jacquot ne rencontrèrent aucune circonstance atténuante, ce qu’ils avaient fait subir à Léo était abominable, la réalité dépassait tout ce qu’on avait pu imaginer. Le jugement, trente ans pour chacun, peine incompressible, tomba comme le couperet d’une guillotine. Odette et Juju se sentirent plus légers, les monstres ne pourraient plus nuire.

Les Coulomb portaient aussi une lourde responsabilité. Ils avaient simplement abandonné Léo en faisant croire à leur fille qu’il n’avait pas survécu. Félix se souvenait du regard triste de Josette Coulomb quand elle apprit que son fils était vivant et son cri de désespoir quand elle eut connaissance du calvaire vécu par son Léo. A la sortie du tribunal qui venait de condamner ses parents à la prison mais surtout à lui verser une pension pour vivre avec son fils, elle demanda à Félix qui avait assisté au jugement :

- Monsieur, j’aimerais rencontrer Madame Odette qui a pris soin de mon fils

Félix n’hésita pas un instant, il présenta Josette à Odette et Juju. Ce fut un moment rempli d’émotion. Josette s’effondra, en larmes, dans les bras d’Odette. Rapidement, elle se reprit et murmura :

- Excusez-moi, mais vous êtes la seule personne qui connaisse vraiment Léo, je ne sais pas comment il va m’accepter, comment vais-je faire ? implora-t-elle

- Je vous aiderai répondit Odette

La jeune femme baissait la tête et s’exprimait d’une voix tremblante. Odette comprit le désarroi de Josette et sut la mettre en confiance.

Le temps passa, Léo avait trouvé une maman et des grands-parents d’adoption. Josette quitta Dijon et vint s’installer à Vaucouleurs avec son fils. Odette et Juju ne savaient que faire pour les aider à reprendre une vie normale. Léo devint un adolescent très intéressé par l’informatique et un centre de formation l’accepta à son niveau scolaire. Il progressa rapidement tout en restant un jeune homme discret et solitaire. Cependant, un matin, Félix le vit arriver à la gendarmerie :

- Entre Léo, as-tu un ennui ?

- Je n’ai pas d’ennui Félix, mais penses-tu que je puisse entrer dans la scientifique ?  

- Tout est possible ! s’exclama Félix

Le capitaine André et Alex, attirés par l’enthousiasme des deux hommes, se joignirent  à eux pour encourager Léo. Les jours qui suivirent, Léo ne chôma pas, aidé de sa mère, d’Odette, Juju et toute la brigade, il entreprit toutes les démarches nécessaires pour atteindre son but.

Lafont l’observa avant de commencer l’interrogatoire. Elle bougeait sans cesse les jambes et continuait à se tordre les doigts. Posément, Lafont lui parlait de l’accident provoqué d’Odette quand elle hurla :

- Je ne sais pas de quoi vous parlez, je ne connais pas la bonne femme là !

- Madame, votre mari a tout reconnu !  

Rouge de rage, elle répétait :

- C’est un con ! Un vrai con ! ….

- Maintenant, vous reconnaissez que vous avez voulu tuer la conductrice  assura Félix

Elle hocha la tête et tout son énervement tomba, elle était affalée sur sa chaise, les yeux clos et Félix continua :

- Vous vouliez éliminer la personne qui avait reconnu le jeune adolescent malingre qui vous accompagnait à Vaucouleurs et que vous avez laissé pour mort entre les containers d’ordures

De nouveau, elle prétendit ne jamais avoir mis les pieds à Vaucouleurs. Félix lui mit les photos sous les yeux

- Vous vous reconnaissez à la caisse du supermarché de cette ville ?

- Oui, c’est bien moi, j’avais oublié

- Et Léo, malade, que vous traîniez avec vous, était-il dans la voiture, à demi-mort, maltraité, affamé et …..

- Non, on ne voulait pas, il est tombé tout seul  articula-t-elle difficilement

La réflexion de la femme Jacquot fit naître une colère sourde que Félix eut du mal à  canaliser. Lafont reprit fermement :

- Madame Jacquot, Léo était votre souffre douleur, vous l’avez frappé à mort et vous vous en êtes débarrassé comme d’un sac d’ordures !

- Ce n’est pas moi, c’est lui ! dit-elle en frappant la table

Félix alla chercher le mari, quand il entra, elle le fixa avec un regard chargé de haine, elle avait une attitude de fauve, prête à lui arracher les yeux.

Félix attaqua directement :

- Monsieur Jacquot, vous avez frappé le jeune Léo à mort et l’avez jeté dans une poubelle comme….

- Non, non, c’est elle ! cria –t-il en la désignant du doigt

La femme Jacquot se rebiffa en hurlant :

- Et les Coulomb qui l’ont abandonné, vous vous en occupez ?

- Oh oui Madame, ils sont dans le même bateau que vous ! répondit Félix

          ( à suivre )

Günther était presque euphorique, il s’exprimait rapidement en allemand et Félix qui était assez à l’aise dans cette langue avait du mal à le suivre mais il avait saisit l’important « Les Jacquot » étaient sous les verrous à Sarrebruck. L’extradition vers Strasbourg se fit rapidement.  Le lieutenant Lafont reçut Félix avec un sourire de victoire, enfin il dit à mi-voix :

- Nous avons fait un grand pas Félix, moi sur l’enquête de l’accident d’Odette et toi sur les monstres qui ont jeté un gamin agonisant !

- Espérons Lafont !

Les interrogatoires commencèrent, Lafont accula l’homme dans ses retranchements tandis que Félix usait de toutes ses ressources pour faire craquer la femme. L’homme se rebiffa en hurlant :

- Vous n’avez pas de preuves !

- Nous avons examiné votre voiture que vous n’avez pas réparée depuis que vous avez provoqué un accident grave dans le but de tuer la conductrice, vous avez perdu le pare-choc et nous l’avons expertisé, c’est le vôtre ainsi que les traces de  peinture laissées sur le véhicule accidenté  dit calmement Lafont

L’homme se redressa et vindicatif déclara :

- C’est un accident ! Elle roulait mal et dans un virage, je l’ai accrochée !

- A votre avis, ce serait cette pauvre conductrice qui serait responsable ! Avez-vous essayé de la secourir ? Avez-vous appelé les secours ?  Non, vous avez fui ! Vous êtes un assassin !

          ( à suivre)

Félix avait reposé le combiné téléphonique et marchait d’un bout à l’autre du bureau en se frottant les tempes. Alex l’observait, curieux de savoir ce qu’il avait appris :

- Chef, bonne ou mauvaise nouvelle ?

Félix stoppa net, le regarda et explosa :

- Bonne ou mauvaise, je ne sais pas mais une grande avancée, çà c’est sûr ! Regarde dans la messagerie et imprime l’envoi de la directrice de Seraing

- Quatre pages, c’est un vrai dossier chef !   

Le capitaine ANDRE s’installa près de Félix et les deux hommes se mirent à décortiquer ces renseignements. Félix écartait les détails inutiles pour ne garder que l’important. Alex se replongea dans le dossier « Jacquot »,il interrogea les services qui gèrent les familles d’accueil, il fut rapidement mis en rapport avec le centre du nord meusien. Plus il avançait dans la lecture des feuilles de renseignement, plus il était persuadé que ce Léo Josué était Léo Coulomb, inscrit sous un faux nom.  Alors qu’il réécrivait la vie de Léo, Alex s’écria :

- Ce sont eux, les Jacquot ont habité à Stenay de 2012 à 2017, de plus, ils étaient famille d’accueil, le petit Léo Josué Coulomb leur a été confié !

- De quelle date à quelle date ?

- La directrice a besoin de temps pour démêler, Léo Josué, Léo Lafarge, Léo Coulomb et en dernier Léo Josué Coulomb. Ce pauvre gosse a une existence  basée sur de fausses identités !

- Cette fois vous avez suffisamment pour arrêter les Coulomb pour faux et usage de faux assura le capitaine

( à suivre )

« Qu’est donc devenu ce pauvre Léo ? Est-ce notre jeune adolescent retrouvé presque mourant à Vaucouleurs ? »  

Félix avait transmis le contenu de l’interrogatoire à son capitaine et quand Félix rejoignit sa brigade, Alex, le stagiaire était déjà à la recherche des instituts spécialisés à Liège.

- En Wallonie, il y a plus de vingt instituts qui correspondent au handicap décrit par Pierre Coulomb dit Alex, chef, on a du pain sur la planche !

- La mère a dit, à Liège, relève les écoles qui sont dans cette ville

- Il y en a deux :

Ecole fondamentale spécialisée communale Léona Planel

Ecole primaire d’enseignement spécialisé libre  Les Castors

Félix reprit contact avec Joseph Leblanc, son homologue belge qui s’exclama :

- J’étais certain que tu avancerais, pour ma part, aucune Josette dans les familles Lafarge que j’ai pu contrôler ! crois-moi, je vais fouiller dans les effectifs de ces deux instituts et s’il le faut, on peut aller plus loin !

- Comme interroger tous les instituts, je comprends ! acquiesça Félix

- Enquêter dans toutes les écoles spécialisées, en leur expliquant le pourquoi, tous les responsables seront très coopératifs, fais-moi confiance assura Joseph Leblanc

- Je ne doute pas de toi, dit Félix en riant

- Je t’appelle dès que je l’ai trouvé !

Après sa conversation avec Joseph, Félix murmura : « Ce Joseph est plein d’enthousiasme »

- Comme vous chef, vous ne baissez jamais les bras, souffla Alex

( à suivre)